Y a-t-il des leçons à tirer du rôle des éducateurs Montessori pour les parents d’enfants en difficulté scolaire ?
Dans cet article, nous allons aborder le thème de l’adulte dans l’éducation en Montessori.
Différents sujets vont être traités autour de ce thème : tout d’abord, ce sera celui du rôle de l’adulte en Montessori, ainsi que de l’attitude qu’il doit avoir par rapport à l’enfant, puis le sujet de la transformation de l’adulte sera aussi évoqué.
Enfin, seront abordés les rythmes de l’adulte et de l’enfant, leurs différences et ce qui est possible de faire pour que cette différence ne soit pas problématique.
Le rôle de l’adulte en Montessori
Dans les classes Montessori, l’adulte, c’est-à-dire l’enseignant, doit avoir un comportement assez spécifique comparé à un instituteur traditionnel.
Dans le livre La Pédagogie Scientifique, Maria Montessori décrit la capacité des instituteurs à adopter la bonne posture comme « un art très grand » [source 1].
Cela peut suggérer que cette posture est a priori assez complexe à adopter.
Cette bonne posture pour aider les enfants sans les gêner dans leur développement est décrite comme ceci :
« stimuler la vie, tout en la laissant libre de se développer, voilà la tâche première de l’éducateur. » [source 2]
Pour guider les instituteurs sur la bonne voie, Maria Montessori a identifié plusieurs caractéristiques des interventions qu’ils doivent réaliser lorsqu’ils s’adressent aux enfants.
Ces caractéristiques vont être abordées immédiatement avant de revenir plus en détail sur la posture que décrit Maria Montessori.
Les caractéristiques des interventions efficaces
Les interventions ou leçons que donnent l’instituteurs dans les écoles Montessori doivent répondre à un certain nombre de critères.
Le premier est que ces leçons sont presque toujours individuelles, c’est-à-dire que l’enseignant ne s’adresse qu’à une seule personne, directement.
De plus, trois autres caractéristiques peuvent qualifier une bonne leçon selon la méthode Montessori.
Une bonne intervention doit être concise. C’est-à-dire que l’adulte doit veiller à « compter et peser ses paroles [source 3]».
La deuxième qualité qui définit une bonne leçon est sa simplicité. Elle doit être dénuée de tout élément superflu afin de permettre à l’enfant de se concentrer sur l’essentiel et de ne pas être perturbé par des détails. Cette qualité dérive naturellement de la première puisque si les paroles de l’enseignant sont comptées alors ne superflu n’aura pas sa place.
La troisième caractéristique d’une leçon réussie selon la pédagogie Montessori est son objectivité. Cela signifie que l’adulte ne doit pas laisser sa personnalité transparaitre dans la leçon qu’il donne. Au contraire, il doit chercher à s’effacer au profit du contenu et de l’enfant. L’objectif est que seul l’objet sur lequel l’adulte donne la leçon reste évident pour l’enfant.
Cette troisième caractéristique est très intéressante, car il peut sembler difficile et peu naturel pour des adultes de vouloir s’effacer au profit d’enfants. Cela permet de se pencher de nouveau sur la citation évoquée plus haut afin de s’intéresser à la posture de l’adulte.
Il est aussi possible d’établir un paralèlle avec le fonctionnement de la discipline selon Montessori. En effet, dans ces écoles, ce n’est pas directement l’adulte qui « s’occupe » de la discipline, mais chacun des enfants qui doit faire preuve d’auto-discipline. Encore une fois, l’adulte doit laisser l’enfant sur le devant de la scène car c’est lui qui doit être responsable et qui doit grandir et progresser.
Quelle posture l’adulte doit-il adopter selon Maria Montessori ?
Dans la citation ci-dessus, la partie la plus importante pour Montessori est le fait de laisser l’enfant se développer librement. Et si Maria Montessori insiste autant sur ce point dans ses livres, c’est parce qu’elle est convaincue que l’adulte est très souvent le principal obstacle au bon développement et à la normalisation de l’enfant.
Dans son livre L’Enfant, Maria Montessori explique longuement cette relation antagonique et cette bataille inconsciente qui se livre à chaque instant entre l’adulte et l’enfant. Le second chapitre de ce livre s’appelle même « l’accusé [source 4]» et il évoque la répression que subit l’enfant de la part de l’adulte, sans même que ce dernier s’en rende compte.
Lorsqu’elle évoque cette notion de répression, Maria Montessori parle par exemple de toutes les décisions qui sont prises pour l’enfant, ainsi que du fait qu’il est souvent déplacé ici ou là au bon vouloir de l’adulte, sans que son bien-être psychologique ne soit jamais réellement pris en compte.
Cependant, elle n’accuse pas l’adulte de faire des erreurs involontaires dans l’éducation des enfants, elle dénonce plutôt des erreurs inconscientes. Ceci est une différence majeure et Maria Montessori met l’emphase sur ses conséquences positives : « cela exalte et incite à se découvrir soi-même. [source 5]»
Elle ajoute que :
« tout le développement spirituel est une conquête de la conscience » [source 6]
Elle met ainsi en valeur l’importance pour l’adulte de se remettre en question pour atteindre une meilleure conscience de lui-même et de ses imperfections.
Cela amène donc directement au thème de la transformation de l’adulte puisque c’est exactement cette démarche de remise en question et de conscientisation qui correspond à la transformation de l’adulte selon Maria Montessori.
Pourquoi l’adulte devrait-il essayer de changer sa position ?
Les objectifs derrière cette transformation de l’adulte sont multiples, mais ils convergent tous dans la même direction, ne pas entraver le développement naturel de l’enfant et ainsi éviter de créer des blocages ou d’autres problèmes.
Ainsi, l’un des objectifs est d’être capable de donner aux enfants la dignité qu’ils méritent [source 7].
Selon Montessori, les enfants sont très sensibles aux moqueries et souffrent d’être souvent rabaissés ou trop infantilisés par les adultes. Ils peuvent souffrir lorsqu’ils sont rabaissés et cela peut constituer un frein à leur développement, ils ont besoin qu’on leur permette d’être digne.
Un autre objectif pour l’adulte est d’éviter le phénomène que Maria Montessori décrit comme une « substitution de la personnalité » [source 8].
Il s’agit d’un phénomène décrit par la psychanalyse durant lequel la personnalité d’une personne se substitue à celle d’une autre personne. Dans le cas de l’enfant ce phénomène est sans doute plus commun que l’on peut le penser.
En effet, selon Montessori les enfants sont très sensibles à la suggestion, surtout venant des adultes qui ont une volonté propre bien plus forte que celle des enfants, encore en développement.
Ainsi, si un adulte met une trop forte intensité derrière certaines actions alors il est possible que cela agisse comme une suggestion, à l’instar de l’hypnose, et que l’enfant ne soit alors plus réellement en contrôle de ce qu’il fait. Maria Montessori met en garde contre ce phénomène qui peut se produire sans même que l’adulte en ait conscience.
Plus concrètement, selon Montessori, la transformation de l’adulte doit lui permettre de corriger ses défauts intrinsèques qui sont des obstacles dans sa relation avec l’enfant. Maria Montessori met en avant le fait que bien souvent les instituteurs et les adultes de manière générale cherchent à corriger les « mauvaises tendances des enfants », alors qu’ils devraient plutôt se concentrer sur leurs propres défauts.
Les deux principaux défauts qu’un adulte peut avoir lorsqu’il est avec un enfant sont la colère et l’orgueil.
Comment l’adulte peut-il éviter la colère et l’orgueil ?
Selon Montessori, la colère
« nous domine et nous empêche de comprendre l’enfant » [source 9].
La colère entrainerait d’ailleurs un autre défaut tout aussi problématique dans l’éducation, c’est l’orgueil.
Maria Montessori explique que la colère est une réaction à
« la résistance déclarée de l’enfant » [source 10].
Et cette colère peut très vite s’entremêler à l’orgueil, dans le but de protéger l’égo, notamment en se disant que cette colère est méritée.
Montessori affirme que le mélange de ces deux défauts amène à la tyrannie, cette autorité forte et incontestable qui vient s’ériger comme une forteresse et qui mate tout contestation de la part de l’enfant.
Ainsi, pour éviter de tomber dans de tels écueils et d’avoir un impact négatif sur le développement de l’enfant, l’adulte doit corriger ces mauvaises tendances.
Pour ceci, Maria Montessori propose deux solutions.
La première est intérieure, elle consiste à reconnaître et
« lutter contre nos propres défauts »[source 11].
La seconde est extérieure, il s’agit alors de se concentrer sur les manifestations de nos défauts pour y résister et les réduire au maximum.
En effet, même si un adulte est en colère contre un enfant, par exemple par qu’il n’arrive pas à comprendre certaines de ses actions, mais qu’il réussit à ne pas laisser transparaître cette colère, alors c’est déjà un premier pas, même si bien entendu, l’idéal serait de réussir à s’en débarrasser réellement.
Adulte et enfant : un rythme très différent auquel il faut prêter attention
Un autre concept très important pour Montessori peut aussi être évoqué, il s’agit de la notion de rythme. [source 12]
En effet, Montessori explique que les rythmes de l’adulte et de l’enfant sont très différents.
L’adulte fait généralement les choses rapidement et est capable de passer d’une chose à une autre assez vite, alors qu’au contraire l’enfant est plus lent et a besoin de temps.
De plus, le fait de voir un enfant accomplir laborieusement une tâche que lui pourrait accomplir bien plus vite et sans la moindre difficulté va très souvent irriter l’adulte et le pousser à vouloir « aider l’enfant », c’est-à-dire remplacer le rythme de l’enfant par le sien.
Malheureusement, cette « aide » n’a en fait rien d’une aide.
Elle fait passer à l’enfant le message qu’il n’est pas capable de faire seul et que l’adulte n’a pas suffisamment confiance en lui.
Ainsi, il est essentiel que l’adulte s’arme de patience lorsqu’il est au contact de l’enfant et qu’il le laisse faire ce qu’il peut faire par lui-même, même si son rythme est différent.
C’est donc à l’adulte de d’adapter au rythme de l’enfant au lieu de contraindre l’enfant à s’adapter à son rythme.
Que peut-on en déduire pour les enfants en difficulté scolaire ?
Les différents éléments évoqués précédemment et issus du travail de Maria Montessori peuvent être très intéressants pour les parents d’enfants en difficulté scolaire. En effet, ces parents sont souvent confrontés à des situations difficiles, notamment lorsqu’ils doivent faire travailler leur enfant. Ainsi, il est important que les parents soient bien préparés pour pouvoir les aider correctement sans aggraver la situation.
La question de la dignité de l’enfant vient directement faire écho à ce qui est dit juste au-dessus. Même si un enfant a des difficultés scolaires, il est indispensable de faire attention à le considérer avec dignité pour ne pas diminuer encore plus son amour-propre qui n’est déjà pas forcément en bon état. De plus, le fait de considérer un enfant comme normal, même s’il a des difficultés, peut l’aider à retrouver confiance en lui, et cela peut aider à retrouver la motivation nécessaire pour travailler. Ce point est important pour travailler avec des enfants et il est essentiel pour travailler avec des enfants en difficulté scolaire.
La question de la « transformation de l’adulte » est, elle aussi, très intéressante. Cette évolution personnelle afin d’être en meilleure adéquation avec le travail auprès d’enfants est indispensable pour le personnel éducatif, mais elle peut aussi être pertinente pour tous les parents. Le simple fait d’avoir conscience des réactions les plus communes face aux enfants peut aider à prendre du recul et à ne pas céder à la colère, l’impatience ou l’orgueil.
Le fait d’avoir conscience que la colère et l’impatience sont des réactions fréquentes des adultes face aux enfants et de comprendre les raisons de ces émotions peut permettre aux parents de prendre du recul et de désamorcer des situations qui pourraient devenir conflictuelles. Ainsi, l’adulte sera bien plus à même d’aider un enfant à progresser tout en passant de bon moment avec lui et en évitant certains conflits qui peuvent être évités. Ces principes développés par Maria Montessori sont assez proches des principes de l’attention positive, dont nous vous avons parlés dans cet article.
Les rythmes de l’adulte et de l’enfant sont différents et lorsqu’il s’agit de faire travailler un enfant en difficulté, il est important que ce soit l’adulte qui s’adapte au rythme de l’enfant.
Bien entendu, cela peut être irritant pour un parent de voir un enfant travailler et avancer laborieusement sur des exercices, surtout que c’est souvent le cas pour les enfants qui sont en difficulté à l’école. Pourtant, il est essentiel de ne pas faire à leur place et de les laisser avancer à leur rythme.
Évidemment, ce serait contreproductif de les laisser en difficulté face à des exercices qu’ils sont incapables de réaliser, mais les exercices de Sequoia Education sont bien adaptés au niveau de ces enfants.
Avec ces exercices, les parents peuvent se permettre d’être un peu plus en retrait et de laisser l’enfant être acteur de ses apprentissages.
Source 1 & 2 📚
Maria Montessori, « Pédagogie Scientifique Tome 1 : La découverte de l’enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 78.
Source 3 📚
Maria Montessori, « Pédagogie Scientifique Tome 1 : La découverte de l’enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 74.
Source 4 & 5 📚
Maria Montessori, « L’enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 27-31.
Source 6, 7, 8 et 9 📚
Maria Montessori, « L’enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 29. (source 6), chapitre « La dignité », p. 173-176.127132 (source 7), chapitre « La substitution de la personnalité », p. 127-132 (source 8) et p. 204 (source 9)
Source 10, 11 et 12 📚
Maria Montessori, « L’enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 206. (source 10), p. 204 (source 11) et Chapitre « Le rythme », p. 123-125. (source 12)