Montessori : qu’est-ce que la normalisation ?

La normalisation face à la surstimulation.

Dans cet article, nous allons aborder le thème de la normalisation, qui est sans doute l’un des principes les plus importants de la pédagogie Montessori.

Nous parlerons aussi de la notion de surstimulation qui peut mettre en péril cette normalisation et ainsi fragiliser significativement l’efficacité de la méthode Montessori.

Qu’est-ce que la normalisation ?

Il semble essentiel de définir correctement le terme de normalisation pour bien commencer cette article. Pour ceci, il est possible de prendre la définition donnée par Sylvie d’Esclaibes, fondatrice de l’École Montessori Internationale de Paris et spécialiste de la pédagogie Montessori.

Voici la définition que donne Sylvie d’Esclaibes sur l’un de ses sites web :

Le mot normalisation est un mot qui peut être mal interprété dans notre monde actuel. Nous avons toutes sortes de normes et une personne est dite « normale » si elle correspond à ces normes. Pour Maria Montessori, le mot normalisation ne correspond en rien à des normes fixées par la société mais par la nature.

Dans la pédagogie Montessori, le mot normalisation a un sens bien précis : la normalisation est la possibilité d’épanouir toutes les potentialités de l’être humain sans obstacle. Maria Montessori croyait que chaque être humain naît avec les potentialités nécessaires à son développement physique et mental. Si le développement naturel de l’enfant peut suivre son cours sans obstacle, la normalisation sera possible et il deviendra un adulte équilibré. [source 1]

L’objectif de la pédagogie est donc de permettre aux enfants de se développer « normalement » car selon Maria Montessori, cela permet à l’enfant d’éviter toute « déviation ». Afin de mieux comprendre le concept de normalisation, voici les caractéristiques principales d’un enfant normalisé selon Maria Montessori.

Quelles sont les conséquences de la normalisation ?

L’enfant normalisé est calme, content et heureux.

Il est capable de choisir ses activités et peut se motiver pour les répéter, de plus, il peut faire preuve d’un très haut niveau de concentration dans son travail.

L’enfant normalisé est maître de lui-même, conscient de son environnement et responsable de ses actions. Il est capable de collaborer, il est serviable et il trouve de la joie dans ce qui l’entoure.

Maintenant que le terme de normalisation est clairement défini et que l’enjeu de cette normalisation est clair, il est désormais possible de se pencher sur les éléments de la pédagogie qui sont nécessaires pour aider les enfants à se normaliser.

Comment développer la normalisation ?

En effet, même si la normalisation est censée être un phénomène naturel, les causes de déviations sont omniprésentes durant l’enfance. Ainsi, il est nécessaire d’utiliser certains éléments pour contrebalancer ces obstacles à la normalisation.

Pour Maria Montessori, ces éléments sont en lien avec le travail. Ils sont relativement nombreux, mais deux d’entre eux sont particulièrement importants : le libre choix de l’activité et la répétition de cette activité.

Le réel objectif derrière l’environnement préparé, le matériel Montessori et le rôle de l’adulte est de pousser l’enfant à travailler de manière spontanée. Maria Montessori a d’ailleurs déclaré ceci :

« on ne considère la bataille définitivement gagnée que lorsqu’un enfant manifeste spontanément un réel intérêt pour un objet qu’il vient de découvrir. » [source 2]

Elle affirme ensuite que :

« dès que les enfants trouvent un objet intéressant, le désordre disparaît d’un coup et le vagabondage de leur esprit cesse. » [source 3]

Ces deux citations de la pédagogue italienne sont particulièrement significatives et montrent bien toute l’importance de cette manifestation spontanée de l’intérêt et donc du travail de l’enfant.

Cependant, ce travail spontané de l’enfant, essentiel à la normalisation, se trouve actuellement en péril à cause de la surstimulation dont les enfants sont presque tous victimes.

Qu’est ce que la surstimulation et quelles sont ses conséquences ?

Cette surstimulation a pour effet de distraire les enfants et de capter leur attention en permanence, ne leur laissant aucun moment de répit, où leur esprit est libre et durant lequel ils peuvent s’intéresser à un objet du matériel Montessori.

Pour mieux comprendre les risques que cette surstimulation peut créer pour la normalisation, il est intéressant de se pencher sur le travail de Catherine Lecuyer, docteure en science de l’éducation, spécialiste de Montessori et auteure de plusieurs bestsellers autour des thèmes de la surstimulation et des écrans.

Mais avant de parler du travail de Catherine Lecuyer, il est pertinent de relever certains éléments du travail de Maria Montessori qui répondent plutôt bien à ce problème plus récent.

 

L’apport de Maria Montessori

Dans le chapitre sur la substitution de la personnalité du livre L’enfant, Maria Montessori ne parle pas seulement des suggestions qui proviennent de l’adulte.

Elle évoque aussi des « objets sensoriellement attrayants » qui peuvent avoir « une puissance de suggestion, en réclamant l’activité de l’enfant, en commandant de l’extérieur. » [source 4]

Ces objets sensoriellement attrayants peuvent faire penser aux écrans qui sont effectivement attrayants d’un point de vue sensoriel : ils font du bruit, ils produisent de nombreuses images colorées qui changent en permanence, etc.

Ainsi, il est aisément compréhensible que des enfants puissent être impactés et influencés par de tels objets, au point de les détourner de leur penchant naturel pour le travail qui leur permettrait de se normaliser.

 

Les enfants privilégiés

De plus, dans un autre chapitre de son livre L’enfant, Maria Montessori aborde le sujet des enfants privilégiés. Elle explique que certaines écoles Montessori ont été créées dans des quartiers riches et que les résultats étaient assez surprenants. La méthode Montessori ne fonctionnait pas aussi bien que dans les quartiers pauvres où elle a été créée.

Maria Montessori explique ceci par le fait que les enfants privilégiés sont :

« déjà rassasiés de posséder des objets très variés » et qu’ainsi « ils se laissent rarement attirer d’emblée par les stimulants qu’on leur offre ». [source 5]

Toutefois, malgré ces premières difficultés, les maitresses de ces écoles Montessori finirent par parvenir à intéresser les enfants avec le matériel. Cependant, il est assez intéressant de faire remarquer que les enfants privilégiés du début du XXème siècle restaient bien moins surstimulés que presque tous les enfants vivants dans des pays développés au début du XXIème siècle.

L’apport de Catherine Lecuyer

Catherine Lecuyer parle des méfaits de la surstimulation dont sont actuellement victimes de nombreux enfants.

Sur son blog elle explique que « la surstimulation (surconsommation, abondance de stimuli technologique, journées et sacs d’écoles surchargés en bas-âge, etc.) sature les sens, donne une sensation de satiété qui anesthésie désir, sensibilité et empêche de savourer la dimension esthétique, la quiétude et la lenteur du quotidien. » [source 6]

Elle explique aussi que la surstimulation peut être une cause de blocages qui peuvent avoir un impact négatif et durable sur la scolarité et la vie des enfants.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les blocages et les moyens d’aider un enfant à les surmonter, vous pouvez vous rendre sur notre article dédié à ce sujet.

 

Cette citation permet de comprendre très rapidement la complexité de la situation actuelle pour les écoles Montessori.

Elles visent toujours la normalisation, qui est basée sur le travail spontané, choisi et répété, mais malheureusement la grande majorité des enfants subissent une surstimulation depuis leur plus jeune âge, leur ôtant ainsi tout intérêt pour des choses simples comme les objets du matériel Montessori.

Catherine Lecuyer va plus loin dans son livre « Ces écrans qui absorbent nos enfants ». [source 7] Elle cite le pédiatre Dimitri Christakis [source 8] expliquant que :

« une exposition prolongée à ces changements d’images rapides (écrans) au cours de cette période cruciale du développement cérébral conditionnerait d’avance l’esprit à anticiper un flux accéléré d’information et conduirait plus tard à un manque d’attention »

Elle dénonce ainsi une des causes des troubles du comportements et des TDAH, les troubles déficitaires de l’attention, avec ou sans hyperactivité.

Source 1 📚

Maria Montessori, « Pédagogie Scientifique Tome 1 : La découverte de l’enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 58.

Source 2 & 3 📚

Maria Montessori, « L’Enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 197.

Source 4 📚

Maria Montessori, « L’Enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 130.

Source 5 📚

Maria Montessori, « L’Enfant », Desclée de Brouwer, 2018, p. 195.

Source 6 📚

Catherine L’Ecuyer, « Et si la surstimulation était coupable de la perte de la soif d’apprendre de nos enfants », publié sur le Huffington Post, 21 novembre 2021.

Source 7 📚

Catherine l’Ecuyer, « Ces écrans qui absorbent nos enfants », Eyrolles, février 2021.

Source 8 📚

Dimitri Christakis, « The Elephant in the Living Room: Make Television Work for Your Kids », Rodale Books, août 2006.